La culture de l'esprit

le dragon de léonard de vinci

Le dragon européen, créature façonnée par la peur

Le dragon européen a une place dominante dans les légendes, il est la créature à abattre, le symbole du mal. Cependant comment cette créature est-elle née ? Quelles causes physiques ont insufflé dans l’esprit humain ce gigantesque lézard cracheur de feu ?

Le dragon, la somme de toutes les peurs

Les productions humaines sont inspirées à la fois par l’environnement actuel et ses possibilités, et par le passé inscrit dans la génétique des individus. Une idée n’émerge dans un esprit que si elle est inspirée par un certain nombre de stimulations. En cela il ne peut y avoir de génération spontanée de la pensée, nous imaginons les choses à travers le prisme de notre mémoire, mémoire forgée par le monde qui nous entoure et celui de nos ancêtres résidant en nous.

En partant de ce principe, il est légitime de penser que l’image du dragon européen fut jadis inspirée par le vécu d’hommes vivant à cette époque. Dans les contes et légendes européens, le dragon est un énorme lézard, il dévore les troupeaux et ravage les cités par ses flammes. En fait, il est la somme de toutes les peurs des européens d’antan.

Le dragon de feu, destructeur de villages

En ces temps-là, les bâtiments des paysans étaient généralement construits en bois, et régulièrement des incendies ravageaient les villages. La peur de perdre ses biens était vive, évoquer un incendie devait inévitablement stimuler en chacun une réaction angoissante. Donc, si on souhaite symboliser le mal dans une créature, quoi de plus évident que de lui faire cracher du feu ?

incendie de maison

Les conteurs ont donc naturellement fait du dragon un terrible incendiaire, ceci pour provoquer chez l’auditeur des émotions vives, et ainsi renforcer le récit.

Le dragon européen, ravageur de troupeaux

Dans l’Europe médiévale, il n’était pas rare qu’une meute de loups extermine les troupeaux. En effet, l’homme élève des herbivores afin de s’alimenter ou de produire des matières premières comme la laine. En faisant cela il se place directement en concurrence énergétique avec les loups, qui ont comme proies ces mêmes herbivores. Les loups faisaient irruption dans les troupeaux vulnérables, dévoraient les bêtes afin de s’alimenter, provoquant alors le malheur de l’éleveur qui perdait ses biens.

loup qui montre ses crocs

Cette peur de voir son troupeau dévasté était très présente, d’ailleurs si quelqu’un parvenait à abattre un loup, il le dépeçait avant de l’exhiber devant le village ; et alors, trop heureux d’être débarrassés du monstre, les habitants versaient tous une aumône au tueur.

Donc, les européens avaient peur de perdre leur troupeau, et encore une fois c’est cette peur qui a façonné l’image du dragon. Pour inspirer la crainte, il fallait que cette créature frappe au point sensible des individus. C’est pourquoi, comme un symbole du loup, le dragon s’est mis à dévorer des troupeaux. (Cet article parle de la création du zombie, intéressant pour comprendre le lien entre croyance et réel)

Cette pousse provient du même champ :   Comment écouter son cœur et vaincre le doute ?

Le reptile de feu, une peur instinctive

Nos très lointains ancêtres ont évolué en forêt tropicale, puis ensuite en savane. Ces deux environnements regorgent de reptiles rampants qui d’une morsure peuvent emporter une vie. C’est pourquoi notre génétique a évolué de façon a ce que nous détections rapidement l’image d’un serpent dans un environnement quelconque, et que cette image provoque une réaction de stress instinctive au fond de nous.

Ce stress incite l’individu à éliminer le serpent, ou à s’en éloigner. L’humanité porte cette peur ancestrale qui a assuré la survie de l’espèce, et l’image du reptile mortel est inscrite au plus profond de notre génome. Le dragon européen n’est donc pas un reptile par hasard. S’il symbolise la peur, il est logique qu’il prenne une forme qui effraie l’humanité.

Le dragon européen symbolise une calamité inéluctable

Généralement le dragon ne peut être vaincu comme n’importe quel mal. Pour le détruire le héros doit faire preuve d’une adresse bien particulière. Ruse ou courage, le lézard de feu stimule les qualités les plus puissantes. Le dragon européen a notamment inspiré Tolkien, pour la création de Smaug la grande calamité. Smaug ne peut être vaincu que par un brave, qui possède en lui une certaine pureté.

ancienne représentation de saint George, icone orthodoxe de saint George
Représentation de Saint George terrassant le dragon. 16ème siècle, icone orthodoxe.

Le symbole du dragon hante l’esprit humain, comme les peurs enfouies en chaque homme. Finalement c’est la peur qui a formé la bête, cette peur qui réside en chaque européen du Moyen-Age. Tout d’abord les peurs environnementales. La terreur que le loup ravage son troupeau, car alors l’éleveur perdrait tous ses biens. L’inquiétude de voir sa maison de bois s’embraser, rejetant la famille à la rue. Et enfin les peurs collectives liées à notre évolution, notamment le stress du reptile qui d’une morsure peut ôter la vie. Les ailes du dragon rajoutent quant à elle un aspect de calamité à la bête, qui en fait une catastrophe inévitable.

Le dragon européen existe bel et bien, derrière l’expression du lézard de feu se cache une réalité tangible : les peurs qui ont hanté les européens durant des siècles.


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  1. nina

    Merci Champ des mots pour ce chant sur cet animal mythique qui vit au plus profond de notre inconscient comme un éternel gardien du trésor de notre corps ou de notre âme, du “trésor ou de la perle” de la princesse prisonnière ou enlevée ! Qui sera sauvée par le héros porteur de l’épée, qui pourfendra l’animal descendu en ligne droite de cette “mémoire originelle” issue du temps des dinosaures peut-être…
    Ou comme la figuration à l’origine très ancienne, qui conjugue les éléments de la “prima materia” : eau, il crache de l’eau ou vogue sur les flots ; feu, il crache du feu ou renait de ses cendres ; air, il a des ailes, vole et transcende les étendues célestes ; terre, il a des pattes de lion ou de monstre des grottes, dévoreur, tueur, gardien ou protecteur du trésor, du sacré. En y associant l’éther alors on entre dans le monde invisible dévolu au Dieu, à l’énergie première qui, du chaos fit naître l’Univers et les mondes.
    Certainement, celui qui vaincra le dragon pourrait le chevaucher s’il ne le tue pas et incorporer alors sa force pour le Bien des Humains.
    Si le dragon est le signe du chaos, du désordre, d’une chose à achever, alors celui qui le domine devient l’égal des Dieux, le Héros providentiel.
    Son acte de courage lui permet d’accéder à l’Autonomie, l’Individuation ; chasser ,combattre le dragon et le chevaucher rend l’adolescent(e) adulte, libère de l’état d’enfance, permet d’acquérir la maturité sexuelle et la liberté ; celle d’être un Humain qui connait ses peurs, dompte ses chimères , en fait ses alliés et ne craint pas d’entrer dans la grotte secrète où l’inconscient et ses ombres l’attendent.

    • Merci pour ton commentaire Nina. En effet le dragon semble être une calamité, la force de la nature qu’on ne peut stopper. Ailé, il est capable de frapper n’importe où et n’importe qui. Seul un héros aura autorité sur lui, dompter le dragon c’est maîtriser ses plus grandes peurs afin de surpasser son état de mortel.

  2. Vérène Schaeffer

    Saint Jean a certainement livré le témoignage le plus impressionnant sur cette bête effrayante dans sa fameuse Apocalypse. Le texte de l’Apocalypse évoque, en effet, l’animal monstrueux, le dragon, en ces termes : « Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème ». Il faut avouer que celui-ci a effectivement de quoi effrayer ! L’évangéliste apparente sans équivoque le dragon au « Serpent des origines, celui qu’on nomme Diable et Satan », et ayant pour mission de tuer l’enfant qui naîtra pour sauver le monde.

    • Le dragon est une véritable calamité sous cette description. La corne que je n’ai pas évoquée doit tenir le rôle d’attribut effrayant supplémentaire, d’ailleurs la corne est l’attribut propre du démon. On peut imaginer facilement la peur d’être empalé par une bête

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